Des cantines qui font école

Hugo Beauregard-Langelier
Chargé de programmes
UPA Développement international
Le Québec connaît les programmes de distribution des berlingots de lait dans les écoles. Les régions de Labrousse et Rivière Froide, en Haïti, connaissent désormais le programme de distribution de repas scolaires à base de produits agricoles locaux. Depuis octobre 2014, près de 250 enfants de la garderie et du primaire reçoivent un repas à chaque journée scolaire. Les repas sont préparés par des femmes, regroupées au sein d’entreprises d’économie sociale. Les aliments proviennent presque tous de productrices et producteurs agricoles locaux.
En apparence logique, surtout dans un pays où la majorité des gens vivent de l’agriculture, ce type d’initiative est l’exception. La rapide période de libéralisation du commerce des produits agricoles dans les années 90 a profondément déstabilisé le secteur agricole haïtien. Ce bouleversement a eu comme conséquence qu’un produit de base tel que le riz ou le maïs produit localement est plus cher que celui importé. Considérant que de nombreux produits importés sont la plupart du temps subventionnés, il n’est pas surprenant que les produits haïtiens ne soient pas compétitifs.
Pour pallier à ce déséquilibre, les groupements de femmes responsables des cantines scolaires ont conclu des ententes d’approvisionnement avec la Fédération des producteurs et agriculteurs pour le développement économique et social (FOPADES). La FOPADES assure une mise en marché collective du maïs et des pois de ses membres afin d’offrir un produit de qualité, en quantité suffisante et à un prix compétitif à ceux importés.
L’intégration de chacune des activités de cette initiative permet à la fois d’améliorer la nutrition des enfants et de stimuler le développement économique en milieu rural. Les innovations du projet ne résident pas uniquement dans les activités terrain, mais également dans leur mode de financement. Plutôt que de diviser les ressources, UPA Développement international travaille en partenariat avec l’Association québécoise pour l’avancement des Nations unies et Agro-Paix, deux organisations non gouvernementales québécoises, dont l’implication financière dans ce projet permet de financer une partie importante des frais de repas scolaires. La synergie entre ces différentes organisations illustre l’importance de développer de nouveaux modèles de financement.
Malgré des politiques commerciales haïtiennes défavorables et un contexte économique précaire, autant au Sud qu’au Nord, l’exemple qu’offre cette démarche démontre l’importance de l’innovation. Il ne reste maintenant qu’à souhaiter que les repas scolaires servis aux élèves d’aujourd’hui leur donnent suffisamment de concentration pour qu’ils deviennent les innovateurs de demain.