Il faut donner le crédit aux paysans

André D. Beaudoin
Secrétaire général
UPA Développement international
Depuis vingt ans, la principale bataille de celles et ceux qui défendent l’agriculture familiale a porté sur le libéralisme économique et la déréglementation. Les négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) témoignent de la virulence des combats livrés sur ce terrain. Rien n’est réglé, c’est bien vrai, mais la succession des crises a donné des munitions à la thèse d’une plus grande régulation des marchés ainsi qu’à l’accroissement de l’équité sur ces mêmes marchés.
Le prochain champ de bataille sera bel et bien celui du capital. En effet, le financement a toujours représenté un défi pour l’agriculture familiale, particulièrement dans les pays pauvres. Par le passé, cela a donné lieu à toutes sortes de grandes manoeuvres telles que le Crédit agricole, les programmes de soutien du revenu et les mécanismes de gestion des risques. Par contre, on sent bien aujourd’hui le retrait des gouvernements. Ce faisant, le champ est désormais « libre », laissant les troupes restantes plus ou moins seules à elles-mêmes.
Dans les pays en développement, la situation s’avère particulièrement difficile. Pourtant, tout le monde reconnaît la nécessité de redynamiser l’agriculture. Tous conviennent aussi que cette activité génère d’importants besoins en capitaux, sans lesquels la relance n’est pas envisageable. Les deux dernières rencontres du G20 ont traité de ces questions. Chaque fois, des promesses ont fait partie de la déclaration finale, accompagnées de montants d’aide colossaux.
Dans les faits, en cette matière, il y a peu de progrès réel sur les terres du capitalisme. On demande aux paysannes et paysans de produire aussi efficacement que la grande entreprise avec des moyens qui datent de l’âge de pierre. Et ici je ne réfère pas à la houe ni à la daba. Je fais allusion aux produits financiers qui se résument à du crédit à court terme de type intrant, point à la ligne. Du financement dépassant un horizon de cinq ans, ça n’existe tout simplement pas. Pas question de financer un achat de terre sur 15 ans, encore moins une pièce d’équipement sur 10 ans.
Il faut donc donner le crédit aux paysannes et paysans qui ont maintenu l’agriculture jusqu’à maintenant dans de telles conditions. Pour l’avenir, il faut surtout leur offrir du crédit adapté aux besoins réels. À moins que la stratégie vise à laisser le champ libre à la grande entreprise. Elle aura ainsi tout le loisir d’occuper les terres sans avoir à livrer la moindre bataille pour disposer du marché comme bon lui semble. www.upadi-agri.org
Cette chronique est réalisée grâce à la contribution financière de l’Agence canadienne de développement international (ACDI).